
Les
cellules souches à des fins réparatrices
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Médecine
neurorégénérative : un pas en avant avec des cellules souches
GFME n° 19
Une
équipe israélienne et une équipe américaine
publient simultanément dans « Nature Biotechnology » (Su-Chun
Zhang et coll. B. E. Reubinoff vol. 19, décembre 2001) des
protocoles de culture permettant la différenciation de cellules souches
embryonnaires humaines en cellules souches neurales. Ces dernières, implantées
dans le système nerveux central (SNC) de rongeurs, ont poursuivi leur différenciation
en neurones et astrocytes, morphologiquement normaux. Les deux équipes
présentent leurs travaux comme un premier pas vers l'utilisation de cellules
embryonnaires souches humaines à des fins réparatrices. Le débat
que suscite malgré tout l'utilisation de telles cellules n'est pas évoqué. En
matière de thérapie cellulaire, les résultats tombent plus
vite que n'avance le débat sur le recours aux cellules embryonnaires. Derniers
en date, les résultats publiés par deux équipes qui furent
déjà pionnières dans l'isolement de cellules souches embryonnaires.
Ces deux équipes ont chacune développé un protocole
permettant d'obtenir des cellules souches neurales, agrégées
sous forme de sphères neurales, à partir de cellules souches embryonnaires.
Les deux protocoles diffèrent quelque peu. Le plus simple, a priori, est
le protocole israélien, dans lequel la différenciation est
induite par culture de cellules souches embryonnaires, sans repiquage et sans
renouvellement du milieu nutritif dans la boîte. Dans cette situation de
« surculture » (overgrowth), une différenciation spontanée
de certaines cellules souches embryonnaires en cellules souches neurales avait
déjà été rapportée par l'équipe. Cette
fois, les chercheurs ont simplement poussé le travail plus loin, en repérant
les cellules différenciées au microscope, pour les prélever
et les cultiver en présence de FGF et EGF (Fibroblast et
Epidermal Growth Factor), pour aboutir à des structures agrégées
très analogues aux sphères neurales, et contenant effectivement
principalement des cellules souches neurales.
L'obtention
de cellules souches neurales
Le
protocole américain est un peu plus sophistiqué et comporte notamment
une étape de formation de rosettes neurales, structures proliférantes
mimant la formation du tube neural, et une sélection enzymatique - et non
plus simplement manuelle - des cellules souches neurales. Pour l'essentiel, toutefois,
le résultat, c'est-à-dire l'obtention de cellules souches neurales,
est analogue dans les deux protocoles. Les suites données par les deux
équipes sont également identiques : les cellules obtenues ont été
injectées dans le SNC de rats nouveau-nés (équipe
israélienne) ou de souris (équipe américaine). Les résultats,
enfin, concordent, puisque les cellules greffées ont migré
vers différentes régions cérébrales, cortex, thalamus,
striatum, hippocampe, hypothalamus, mésencéphale. Le point important
est que ces migrations ne paraissent pas aléatoires, ce qui semble
indiquer que les cellules souches greffées ont bien répondu aux
signaux du SNC des animaux receveurs.
Une
migration non aléatoire, répondant à un signal
L'hypothèse
est d'ailleurs renforcée par la corrélation entre la différenciation
supplémentaire subie par les cellules greffées et leur localisation
cérébrale. Ainsi, une différenciation en neurones a été
constatée dans le bulbe olfactif, là où cette différenciation
s'opère normalement après la naissance, tandis qu'une différenciation
en astrocyte a été constatée dans la matière blanche
sous-corticale, là où la différenciation des neurones est
en principe achevée, et où la gliogenèse prédomine
au stade postnatal. Il est précisé que les cellules qui se sont
implantées dans le SNC sont morphologiquement normales. Leur intégration
fonctionnelle demande cependant à être vérifiée. D'un
point de vue fondamental, il reste également à comprendre la restriction
de la différenciation neuronale aux neurones glutamatergiques et GABAergiques,
et l'absence de neurones dopaminergiques ou cholinergiques. Les oligodendrocytes
paraissent également difficiles à obtenir : ils n'ont été
observés in vivo que par l'équipe israélienne. Enfin, dans
une perspective d'utilisation médicale, il faut s'assurer que la greffe
est bien dénuée de risque. Parmi les cellules souches neurales
injectées figure en effet toujours une petite proportion de cellules non
caractérisées, dont la prolifération dans le SNC peu devenir
problématique. Lors des expériences animales, aucun tératome
n'a été observé. Le risque théorique, néanmoins,
existe.
Une
question éthique
Sous
réserve de réponses satisfaisantes à ces questions, ces travaux
constituent, pour leurs auteurs, un premier pas vers l'utilisation des cellules
souches embryonnaires, « outils utiles pour la recherche en neurosciences
et à la médecine régénérative ». C'est
peut-être exact, mais une allusion, au moins, au problème éthique
lié à l'utilisation de tels « outils » eut sans doute
renforcé la thèse. Quelque opinion personnelle qu'on nourrisse sur
la question, la controverse existe, et le déni est toujours la pire des
solutions. En s'abstenant de mentionner le problème, les deux équipes
donnent la désagréable impression de chercher à prendre le
débat de vitesse, alors que la chose qui serait sans doute la plus utile
aux malades qu'il faut soigner paraît être justement un débat
contradictoire, où ces malades auraient la première place, leurs
attentes étant moins ambiguës, peut-être, que celles des laboratoires
de neurosciences.
Vincent BARGOIN, le quotidien du médecin
19/12/2001. |