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Actualité scientifique 360 des glioblastomes



Le Témodal (Temozolomide) chez les malades assez âgés > 70 ans avec glioblastome récemment diagnostiqué et indice de karnofsky pauvre, <70, essai de phase II de l'ANOCEF

Actualité 360 du 30 septembre 2011

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Article original Journal of Clinical Oncology (journal d'oncologie clinique) août 2011, volume 29, page 3050

Le Témodal (Temozolomide) chez les malades assez âgés > 70 ans avec glioblastome récemment diagnostiqué et indice de karnofsky pauvre, <70, essai de phase II de l'ANOCEF

Auteurs : Gállego Pérez-Larraya J, Ducray F, Pr.Chinot Olivier, Catry-Thomas je, Pr. Taillandier Luc, Guillamo J, Campello C, Monjour, Cartalat-Carel S, Maryline Barrié, Huchet, Beauchesne P, M Matta, K Mokhtari, ML Tanguy, Pr. Honnorat Jérome, Pr. Delattre Jean-Yves, groupe Hospitalier La Pitié-Salpêtrière, 47 Bboulevard de l'Hôpital, 75013 Paris, France.

Résumé :
La gestion du glioblastome (GBM) chez les malades assez âgés avec un statut de performance (indice Karnofsky) pauvre n'est pas bien établi. Cet essai de phase II évalue l'efficacité et la sécurité de la monothérapie de Temodal (temozolomide) dans cette population patiente.

Malades et méthodes :

Les malades de plus de 70 ans avec glioblastome GBM récemment diagnostiqués et indice Karnofsky postopératoire (KPS) inférieur à 70 ( 70 - peut assurer ses soins, mais incapable d'exécuter une activité normale ou de faire un travail actif, 60 - dépendance occasionnelle, exige l'assistance occasionnelle mais est capable d'assurer la plupart de ses propres besoins), étaient éligibles pour cet essai non randomisé (pas de tirage au sort) de phase II. Le traitement a consisté en 150 à 200mg/m2 de Temodal (temozolomide) 5/28 jours jusqu'à progression de la maladie. La radiothérapie n'a pas été administrée. Le point final fondamental était la survie totale (OS) et les points secondaires, la survie sans progression (PFS), la sécurité, et la qualité de vie.

Résultats :
70 malades (âge médian, 77 ans, KPS médian, 60) ont été inscrits entre juillet 2007 et février 2009. Des niveaux 3 à 4 de neutropénie et thrombocytopénie se sont produits respectivement chez 13% et 14% des malades. le PFS médian était de 16 semaines (gamme 10-20 semaines), et la survie totale médiane OS de 25 semaines (gamme 19-28 semaines), ce qui se compare favorablement avec une survie de 12 à 16 semaines espérées sans traitement. 23 malades (33%) ont amélioré leur KPS de 10 points ou plus et 18 malades (26%) pouvaient de nouveau s'occuper d'eux (KPS = 70). La qualité de vie et la fonction cognitive ont été améliorées avec le temps avant la progression de la maladie. Dans les 31 tumeurs évaluées pour la méthylation du promoteur de MGMT, un statut de méthylation a entrainé une survie sans progression PFS plus longue (26 semaines contre 11 semaines et une survie totale OS plus longue (31 semaines contre 19 semaines).

Conclusion :
Le Temodal (Temozolomide) a une tolérance acceptable chez les malades assez âgés avec GBM et KPS inférieur à 70. Il est associé avec une amélioration du statut utilitaire chez 33% de malades et paraît augmenter la survie comparé seul avec un autre soin positif, surtout chez les malades avec MGMT méthylé.

Pubmed : 21709196

*SUITE*

Interview du Professeur Jean-Yves Delattre sur le traitement des glioblastomes chez les patients âgés par le journaliste Jean-Luc Devirieux pour l'ANOCEF


Article original

Jean-Luc Devirieux pour l'ANOCEF

Interview réalisée pour et avec le concours de l'ANOCEF Site AnOceF – www.anocef.org 

Le professeur Jean-Yves Delattre est chef du service de neuro-oncologie Mazarin de l’hôpital Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris. Considéré comme l’un des meilleurs spécialistes français des tumeurs intracrâniennes, il est aussi professeur à la faculté de médecine de l’hôpital Pitié-Salpêtrière. Avec son équipe, le Pr. Jean-Yves Delattre vient de publier dans le journal américain d'ocologie clinique, le JCO, les résultats d’une étude ANOCEF sur le traitement des glioblastomes multiformes (GBM) chez les personnes âgées intitulée : « Temozolomide in elderly patients with newly diagnosed gliobastoma and poor performance status : an ANOCEF phase II trial ». (Journal of Clinical Oncology. août 2011 Vol. 29, page 3050 (Temodal chez les patients âgés avec glioblastome nouvellement diagnostiqué et mauvais état clinique, Karnofsky < 70)

J
ean-Luc Devirieux (JLD) :
La problématique du traitement optimal des patients âgés atteints de glioblastome est une question importante en neuro-oncologie. L'intérêt d'un traitement potentiellement toxique chez ces patients fragiles - et dont le pronostic est généralement mauvais - est un problème fréquent en pratique courante. Si plusieurs études ont déjà montré l'intérêt d'un traitement spécifique chez les patients âgés mais dont l'état de santé général, lui, est bon, l'évaluation du traitement des glioblastomes multiformes chez les personnes (très) âgées - dont l'état de santé général non seulement est mauvais mais qui sont particulièrement fragiles - restait à faire. L'ANOCEF vient de publier les résultats d'une étude de phase II, non aléatoire, visant à évaluer l'intérêt de la chimiothérapie et l'efficacité du Temozolomide chez des patients âgés. Dans le cadre de cette étude, 70 patients âgés de 70 ans ou plus, récemment diagnostiqués et atteints de GBM, ont suivi un traitement de 150 à 200 mg/m2/jour de Temozolomide pendant 5 jours, toutes les 4 semaines et jusqu'à progression de la maladie. Aucun traitement de radiothérapie ne fut administré. Les résultats de cette étude montrent une survie globale médiane de 25 semaines et une survie sans progression médiane de 16 semaines. La qualité de vie et l'état général ont également été améliorés chez certains patients. Pr. Jean-Yves Delattre, tout d'abord bonjour et bienvenue dans les pages de cette première lettre de l'AnOceF de la rentrée 2011. Pr. Delattre, détaillez pour nos lecteurs les principaux résultats de cette étude ANOCEF.

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) : 
Cette étude prospective indique que certains patients âgés (70 ans ou plus) souffrant d'un glioblastome et dont l'état fonctionnel est altéré (index de Karnofski < 70) peuvent bénéficier transitoirement d'un traitement par Temozolomide. Environ 1/3 des patients améliorent leur état fonctionnel et 1/4 retrouvent une autonomie à la maison.  La médiane de survie reste malheureusement courte - 25 semaines seulement - mais elle est supérieure aux 12 semaines attendues avec une prise en charge purement palliative.Un point notable est que les patients qui ont un statut méthylé du promoteur de la MGMT survivent nettement plus longtemps que les patients ayant un statut MGMT non méthylé.

JLD :

Dans cette étude, on apprend que la grande majorité des patients a eu une biopsie mais que seuls 9,6% des patients ont subi une exérèse partielle ou totale.  Pourquoi ? Cela est-il dû à l'état général et à l'âge des patients ou au volume et à la localisation des tumeurs ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) : 

En fait les deux. Cette étude était destinée à des patients âgés présentant un état fonctionnel altéré. Une très vaste majorité d'entre eux n'a eu qu'une biopsie, soit parce que les tumeurs étaient situées dans des zones fonctionnelles peu ou pas accessibles chirurgicalement, soit parce qu'il existait une contre-indication à une chirurgie d'exérèse en rapport avec l'état systémique des patients. Il faut y ajouter une philosophie plutôt « conservatrice » de nos RCP quand une chirurgie relativement lourde est discutée chez un patient âgé.

JLD :
Pr. Delattre, compte tenu des résultats plutôt encourageants de cette étude concernant un traitement spécifique de cette population, pensez-vous qu'une prise en charge chirurgicale plus agressive, lorsqu'elle est techniquement possible, puisse être envisagée chez ces patients ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) :  
La chirurgie d'exérèse reste beaucoup plus rarement réalisée chez les patients âgés que chez les sujets plus jeunes pour des raisons objectives (polypathologies sévères, notamment cardio-vasculaire, contre-indiquant une chirurgie) mais aussi pour des raisons subjectives qui amènent à considérer avec beaucoup d'hésitation une chirurgie lourde et non curative chez un patient âgé (cf. supra).  Dans ce contexte, l'essai en cours ANOCEF randomisé de phase III « CSA », qui compare l'effet d'une chirurgie d'exérèse à une biopsie chez les patients âgés souffrant d'un glioblastome, est une étude fondamentale. Cette étude CSA devrait nous permettre de beaucoup mieux définir la place de la chirurgie pour cette population, son impact sur la durée mais, surtout, sur la qualité de vie.

JLD : 
Le protocole de votre étude était basé sur un traitement mensuel par Temozolomide et jusqu'à 12 cures de traitement. Cela est beaucoup plus long que le traitement habituellement proposé par le protocole standard décrit par R. STUPP : soit une radiothérapie concomitante au Temozolomide suivie de 6 cures de Temozolomide. Pensez-vous qu'un traitement prolongé par Temozolomide soit vraiment plus efficace qu'un traitement de 6 mois seulement ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) : 
 La durée optimale du traitement par Temozolomide reste en effet inconnue, aussi bien chez les sujets âgés que chez les sujets plus jeunes. Les chiffres sont encore arbitraires. Comme le Temozolomide était le seul traitement spécifique administré dans cet essai (pas de radio-chimiothérapie concomitante), le chiffre de 12 cures nous est apparu raisonnable parce que cet agent (le Temodal) est facile à administrer et les patients le tolèrent bien.

JLD :  
Dans le cadre de votre étude, il a été possible d'analyser la méthylation du promoteur MGMT chez 31 des 70 patients. Vous révélez que la survie globale et la survie sans progression sont meilleures chez 42% de patients présentant ce promoteur MGMT méthylé.  On approche de la moitié. Pensez-vous que la prise en charge des patients âgés doive être différente selon la méthylation de ce promoteur ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) :   
C'est là effectivement une question très importante, mais nos données sur ce point sont encore trop préliminaires pour en tirer des conclusions. Globalement, la médiane de survie des patients « MGMT non méthylés » semble très voisine de la survie attendue avec un traitement limité aux soins palliatifs. Mais cela ne veut pas dire que certains patients « non méthylés » ne tirent pas bénéfice d'un traitement par Temozolomide.  Si nos résultats sont validés par d'autres travaux prospectifs, cela pourrait effectivement déboucher sur des essais où la planification sera établie en fonction du statut MGMT. C'est déjà le cas chez les sujets plus jeunes.

JLD :  
Pr. Delattre, tous les patients inclus dans cette étude étaient âgés d'au moins 70 ans (de 70 à 87 ans à l'inclusion pour être précis). 
Y a-t-il eu une étude de sous-groupes entre les patients âgés et très âgés, de plus de 80 ans par exemple ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) :  
Dans le cadre de cette étude, la série nous a paru trop limitée pour effectuer ce type d'analyse.

JLD : 
 Pensez-vous que chez ces patients, la radiothérapie - éventuellement selon un schéma adapté - ne soit pas une option envisageable ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) :  
Non, au contraire, nous pensons que c'est une option envisageable. Il s'agirait de rendre « irradiable » par une chimiothérapie première des patients qui ne sont pas d'emblée éligibles à une radiothérapie ou à une radio-chimiothérapie concomitante. C'est un peu la question à laquelle va tenter de répondre l'essai Bevatem, proposé par le Pr. Bruno Chauffert, incluant une population plus jeune. Pour ce type de questions, il est important d'avancer pas à pas, dans un cadre d'essai thérapeutique, et en attachant autant d'importance à la qualité qu'à la durée de vie.


JLD  
Quels sont les essais, en cours ou à venir, concernant cette population de patients âgés particulièrement fragiles ?

Pr. Jean-Yves Delattre (Pr. JYD) : 
L'essai prospectif multicentrique ANOCEF de phase II ATAG (Bevacizumab- Temozolomide) a déjà débuté. En un peu plus d'un an, 35 des 70 inclusions prévues ont été faites.  Les critères d'inclusion sont très voisins de ceux de l'essai TAG dont nous venons de parler, si ce n'est qu'ils ne concernent que des patients biopsiés et prennent bien sûr en compte les contre-indications au Bevacizumab.  L'idée est de savoir si l'ajout du Bevacizumab au Temozolomide dans le traitement de cette population très fragile - habituellement inéligible aux essais thérapeutiques - est correctement toléré, de vérifier si cela permet d'augmenter le taux de réponse objectif. La survie et la qualité de vie de ces patients seront évaluées et comparées aux résultats obtenus antérieurement par un traitement palliatif ou un traitement par Temozolomide seul. Il ne s'agit pas d'une étude de phase III, guère envisageable dans ce contexte, mais nous espérons quand même obtenir des résultats robustes et enrichir nos connaissances sur la prise en charge de ces patients.

JLD : 
 Pr. Jean-Yves Delattre, merci pour toutes ces précisions.  Au nom de toute l'équipe du site de l'AnOceF, je vous souhaite une bonne continuation dans vos travaux



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